
Déjà en son temps, Disney mêlait films, livres et parcs d’attraction. Le mot transmédia n’existait pas encore, mais la pratique était bien présente. Aujourd’hui, avec les sagas comme Star Wars ou Hunger Games, le transmédia hollywoodien est partout. Et avec lui, la naissance de franchises commerciales déclinables, elles aussi, sur tous les supports.
Walt Disney étirait ses œuvres et ses personnages sur plusieurs médias, des dessins animés aux disques en passant par les parcs d’attraction
Ce terme est défini pour la première fois par Henry Jenkins en 2003 après sa plongée dans l’univers de la trilogie cinématographique Matrix. Il constate alors que l’œuvre « déborde de l’écran(1)D. Peyron, « Quand les œuvres deviennent monde », Réseaux n° 26, 2008. » pour s’étendre sur des plateformes médiatiques complémentaires (comics, jeux de rôle en ligne, jeux vidéo, séries animées). Pour lui, le Transmedia Storytelling représente alors « un processus dans lequel les éléments d’une fiction se déploient sur diverses plateformes médiatiques dans le but de créer une expérience de divertissement coordonnée et unifiée(2)H. Jenkins, Convergence Culture. Where new and old media collide, NYU Press, 2006. ». L’objectif est donc de bâtir un univers narratif complet et cohérent en profitant des potentialités des différents médias, numériques ou non, pour proposer des bouts d’histoire.
Des pratiques anciennes, du Magicien d’Oz à Disney
Bien que le terme soit relativement nouveau, les pratiques liées au Transmedia Storytelling sont plus anciennes. Par exemple, Le Magicien d’Oz était déjà une œuvre transmédia. Son auteur, L. Frank Baum, se présentait comme l’architecte narratif et le géographe du monde dans lequel évoluaient ses personnages, en particulier lorsqu’il montrait lors de conférences publiques des diaporamas de l’univers d’Oz, le rendant ainsi tangible. De même, Walt Disney étirait ses œuvres et ses personnages sur plusieurs médias, des dessins animés aux disques en passant par les parcs d’attraction et les comic strips. Cependant, certaines redondances dans les narrations apparaissaient d’une plateforme à l’autre, empêchant ainsi le développement d’un univers complet, complexe et cohérent et un engagement participatif des publics.
La galaxie Star Wars
L’exemple le plus marquant qui précède la définition de Jenkins est certainement celui de la franchise Star Wars. La saga de science-fiction se compose de plusieurs longs métrages qui constituent ce que Jenkins a nommé le mothership, le contenu principal de la franchise. Pour étoffer sa saga, George Lucas a créé ce qui constitue l’« univers étendu » de Star Wars, en s’appuyant sur des personnages principaux ou secondaires, des batailles entre Sith et Jedi, ou bien des planètes présentes dans la galaxie Star Wars. Ainsi, il existe 150 jeux vidéo Star Wars qui contribuent à l’extension narrative des films. Ainsi, le jeu Star Wars : le pouvoir de la force (2008), étire la temporalité de la narration en englobant les deux trilogies dans un même univers narratif. Le jeu Battle for Naboo (2001) met en scène une bataille seulement évoquée dans le premier film de la saga. Quelques 200 extensions imprimées (séries de BD ou romans) augmentent également cet univers. Pour renforcer la richesse fictionnelle autour des Jedi, des romans sont édités comme celui intitulé Moi, Jedi (Fleuve Noir, 2003) en deux volumes qui décrivent le quotidien d’autres Jedi que ceux des films. Deux manuels sont également sortis, mettant en avant d’un côté l’École Jedi, et de l’autre l’École Sith. Ces livres se présentent comme des archives philosophiques des deux ordres avec des annotations de personnages, Obi-Wan Kenobi ou Luke Skywalker pour les Jedi, ou bien Darth Vader et l’Empereur Palpatine pour les Sith par exemple. Enfin, la saga a également gagné des supports audiovisuels et plus particulièrement télévisuels. Une série télévisée diffusée dans les années 1980 se concentrait sur le peuple des Ewoks qui apparaissent dans Return of the Jedi, le dernier épisode de la trilogie d’origine. Une série animée, The Clone Wars (2008-2013), vient quant à elle combler le vide narratif entre les épisodes II et III de la prélogie.
Mélanie Bourdaa
maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Bordeaux 3, laboratoire MICA Mélanie Bourdaa analyse la réception des séries télévisées américaines contemporaines par les fans et les stratégies de productions (Transmedia Storytelling). Elle enseigne la culture télévisuelle, les dispositifs numériques des ARG (Alternate Reality Games) et le Transmedia Storytelling en licence et en master multimédia. Elle a créé le GREF (Groupe de recherche et d’études sur les fans) qui regroupe des chercheurs francophones travaillant sur ces sujets. Elle a organisé un séminaire de recherche sur la convergence culturelle et les stratégies Transmedia à l’université de Bordeaux 3 (2012-2013). Elle pilote également le MOOC « Comprendre le Transmedia Storytelling ».
Il existe 150 jeux vidéo Star Wars qui contribuent à l’extension narrative des films
Les franchises cinématographiques et les univers-mondes
Hunger Games : l’explosion du marketing transmédia
Lionsgate a souhaité donner un aspect plus glamour à la franchise – ce qui ne correspond nullement aux valeurs véhiculées par l’œuvre littéraire
Le transmédia, outil marketing promotionnel ?
PROPOS RECUEILLIS ET MIS EN FORME PAR ANNE CLERC
ENTRETIEN PARU INITIALEMENT SOUS LE TITRE « IDENTITÉS ADOLESCENTES À L’ÉPREUVE DU VIRTUEL »
PUBLIÉ DANS LE N°126 DE LECTURE JEUNE, À L’HEURE DU VIRTUEL, JUIN 2008
References
1. | ↑ | D. Peyron, « Quand les œuvres deviennent monde », Réseaux n° 26, 2008. |
2. | ↑ | H. Jenkins, Convergence Culture. Where new and old media collide, NYU Press, 2006. |
3. | ↑ | Le cosplay, mot composé des termes anglais « costume » et « play » (jouer), consiste à se déguiser en un personnage de film, manga, bande dessinée, jeu vidéo… |
4. | ↑ | Les crossovers sont des ponts entre deux œuvres permettant par exemple aux personnages de passer d’une œuvre à une autre. |