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Pourquoi créer le texte ? La parole donnée aux adolescents

Pourquoi choisir de créer ce texte avec des adolescents ?

© Régis Nardoux

Pour Jean-Claude Gal, « Chaque homme construit son parcours à la lisière de ses horizons et aux frontières de ses audaces. La migration, avec la multiplicité de ses profondeurs originelles, comme la convergence d’une même force évocatrice et émotionnelle, construit en elle une mythologie universelle à part entière. Des images communes la représentent sous forme d’une traversée contemporaine violente, un déchirement avec une terre natale, ou encore une espérance vers la Terre idolâtrée. Chemins de rêves perdus, moments forts d’une vie à oublier, oppression permanente, autant de signes qui hantent nos esprits d’imagination dramatique.

Les motivations à créer ce spectacle sont nombreuses, mais avant tout, nous voulons donner la parole à la jeunesse, à cette partie fragile des âges qui semble rester en retrait des événements. Ce texte permet de sensibiliser activement le regard des jeunes sur cette « nouvelle mythologie » que représente la migration. Il fait réagir le public sur sa « responsabilité » à regarder parfois de façon distante ces peuples en marche, séparés de leurs origines.

Le spectacle a pour objectif d’apporter un peu plus d’humanité à ces milliers de jeunes gens cherchant un eldorado dans ce monde fragile et paradoxal. »

Participer à une création professionnelle, qu’en retirent les jeunes ?

Le regroupement d’adolescents venus de différents ateliers de sensibilisation sur le territoire développe une mixité sociale exceptionnelle et rassemble des personnalités diverses qui prennent chacune leur place dans le spectacle. Pour la création de Corps et Âmes, ce sont ainsi plus de trente adolescents qui se sont engagés de manière hebdomadaire et durant les vacances scolaires pour monter « un spectacle total » ! comme le souligne un journaliste de La Montagne. C’est au moment de la création et de sa présentation devant le public que la jeunesse prend conscience de l’intérêt de son engagement dans des aventures artistiques.

Pour Noémie, 17 ans qui rejoint pour la première fois un projet de la Compagnie : « On est comme une famille. On sait qu’on peut tous compter les uns sur les autres. Je n’ai pas toujours confiance en moi, parler devant les autres n’a jamais été mon fort. Le théâtre m’apporte beaucoup de confiance. »

Pour Djamil, 18 ans : « C’est la troisième année que je viens à l’atelier du Pélican. Ce qui me plaît ici, c’est d’abord les camarades. On est tous débutants. On ne se sent pas perdu. On s’intègre très bien et c’est super ! L’année dernière, avant le spectacle Aux portes d’Hadès, on avait travaillé une partie de Corps et Âmes. Et ça m’avait plu. Et puis physiquement, je peux représenter un de ces personnages : ça m’a touché aussi. Et c’est ce qui m’a donné envie de rester cette année. Je suis originaire des Îles de Comores. J’ai encore de la famille là-bas. Il y a beaucoup de gens qui cherchent à fuir les Comores, pour se réfugier dans un meilleur pays. Même si je ne suis pas migrant, je me sens concerné physiquement et mentalement. Ce sont mes parents qui ont migré. J’étais tout jeune. C’est eux qui ont eu l’idée de venir ici. Ils ont beaucoup travaillé pour ça. Ils ont mis beaucoup d’argent de côté. Ils n’ont pas eu beaucoup de soucis, comparé à d’autres. Tout s’est bien passé pour nous et aujourd’hui, je suis heureux. Mon père connaissait déjà des amis qui étaient ici, ils lui ont expliqué comment ça fonctionnait. Au début, c’était un peu compliqué pour eux, mais quand on est soutenu par des gens d’ici, c’est plus facile. On parlait comorien à la maison, français à l’école. J’ai toujours des sœurs et ma mère là-bas. »

Pour Margot, 20 ans : « La plus grande question quand on est ado, c’est de savoir qui on est, qui on veut être et ce qu’on veut faire. Dans ma vie, le théâtre m’a beaucoup aidé à avoir des réponses à ces questions, à savoir ce que je voulais faire et comment je voulais le faire. »

Pour Violette, 15 ans : « J’apprécie le professionnalisme de Jean-Claude. On n’a pas l’impression de faire du théâtre amateur. On a des horaires de travail presque professionnels. Et en même temps, il y a une ambiance géniale. On rencontre des gens. On peut discuter. On se sent bien ici, dans ce lieu. Le travail et l’ambiance générale font que je suis revenue. L’engagement ? Oui, le spectacle repose sur nous. Si on n’est pas là, il n’y a pas de spectacle. Cela nous donne plus de responsabilités. On apprend des choses. Mais là, j’ai l’impression d’être en vacances. Je suis dans le plaisir. Ce n’est pas une obligation. Ce n’est pas un problème pour moi de passer mes vacances au Pélican. Notre travail est récompensé parce qu’on fait un spectacle. »

© Régis Nardoux
© Régis Nardoux