Un travail de mémoire pour les victimes d’inceste

L’histoire se déroule à Vars, un village des Hautes-Alpes, où la famille recomposée de l’autrice s’installe. Celle-ci raconte comment son beau-père l’a violée, de son enfance jusqu’à son adolescence. Pour que son texte soit percutant, elle choisit le point de vue de l’homme, pédophile et pervers. Par ce procédé rare en littérature, surtout en ce qui concerne les viols d’enfants, le lecteur est obligé d’entrer dans la tête, les
raisonnements, les justifications et fantasmes du monstre. À son procès aux assises vingt ans après, les témoins valorisent le caractère athlétique, dominateur et brutal de cet homme adepte des courses en montagne, ce qui, pour Neige, revient à gommer l’abjection dont il est coupable.

Une lecture dont on ne sort pas indemne

Le travail de mémoire se révèle difficile, confus, chaotique. L’autrice entreprend une importante recherche documentaire qui relie son cas à la littérature, aux psychologues qui centrent leurs travaux sur ces hommes qui se sentent victimes d’injustices sociales : « le viol était une punition nécessaire pour lui apprendre à obéir ». Neige a suivi un excellent parcours scolaire jusqu’à devenir professeure d’université et traductrice, et a pris la seule décision possible : s’éloigner de sa famille pour survivre. Elle achève son œuvre sur un terrible constat : elle n’est pas sauvée, la littérature ne l’a pas sauvée. Ce livre a reçu le prix Fémina et le Goncourt des lycéens 2023. On ne sort pas indemne de cette lecture.