Description
Sommaire Focus sur la littérature ado
LECTURE JEUNE 150 | JUIN 2014
Edito par Sonia de Leusse-Le Guillou, directrice de Lecture Jeunesse
« l’adolescent est saisi d’ordinaire dans ses nombreuses carences, jamais dans son intelligence (1).» Michel Fize
Bon anniversaire, Lecture Jeunesse ! A l’occasion de ce 150e numéro, l’association se réjouit de vous annoncer qu’elle va rajeunir sa maquette tout au long de l’année mais surtout qu’elle a été déclarée d’intérêt général, une reconnaissance certaine de son travail mais aussi de l’importance de la lecture et de la littérature pour les adolescents.
40 ans après, est-ce que tout a changé ? Ce secteur de l’édition s’est désormais fait une place dans les librairies. Il est entré, timidement d’abord, puis de façon plus courante dans les bibliothèques. Restent les portes des classes qu’il peine à forcer, malgré son intrusion dans les CDI. Récemment, les biennales de littérature jeunesse lui consacraient des communications qui, ô stupeur, prenaient Twilight ou des séries populaires pour objet d’étude, quelle audace !
Est-ce à dire qu’il est entré au Panthéon de la digne littérature ? Certes, non : les grandes surfaces culturelles et la PLV valorisent une petite partie de sa production, qui tend à occulter la diversité de l’offre, tandis que des bibliothécaires et des librairies convaincus tentent de prescrire des textes moins médiatisés par leurs adaptations audiovisuelles (au cinéma, en jeux vidéo…). Malgré les masters qui visent à leur donner un statut, la majorité des enseignants rejette les livres pour les adolescents ou les ignore. Une partie des professionnels et du corps scientifique dénigre cette production. Nuit-elle au chiffre d’affaire du marché de l’édition ? Abrutit-elle ses fans ? Et surtout, subtilise-t-elle des lecteurs à la littérature générale ?
Selon Laurent Bazin, décaler du prescripteur au récepteur l’analyse de cette offre contribuerait à lui donner une forme de légitimité. On voit bien la résistance à l’exercice : est-ce seulement la littérature pour les adolescents qui est indigne ? Car après tout, dans le vaste champ de la littérature générale, les paralittératures le sont tout autant. En outre, l’édition pour les adolescents comporte toute une veine de littérature « blanche » qui peut s’analyser, d’un point de vue strictement formel, comme des oeuvres de littérature générale. Ce lectorat trouble, peu saisissable, difficile à cerner, n’est-il pas d’abord en cause avant la production qui lui est destinée ? Age de la crise, âge ingrat aux bras ballants, n’est-ce pas d’abord l’image dégradée du destinataire qui nuit à la littérature ado à telle point que nombre de collections préfèrent plus sérieusement se définir comme « jeune adulte » ou, de façon plus attractive, par les termes de young adult, pour s’adresser en fait à des jeunes de 13-14 à 25 ans ?
(1) « L’Adolescence : à propos de l’un et du multiple », colloque «Adolescences entre défiance et confiance», organisé par la revue Spirale, 6 avril 2006, Roubaix.
Lecture Jeunesse a 40 ans par Bernadette Seibel, présidente de Lecture Jeunesse
Sociologie de l’adolescence par Christine Détrez, maître de conférences en sociologie, ancienne élève de l’ENS Ulm et auteur
L’évolution de la littérature pour les adolescents par Francis Marcoin, professeur de littérature française et auteur
Regards d’éditeurs avant-propos par Sonia de Leusse-Le Guillou, directrice de Lecture Jeunesse
« Je pense que la littérature pour les adolescents est un genre à part entière. Guéraud en est l’exemple type (1). » Sylvie Gracia
… Un genre à part entière, avec ses codes et ses entorses à la règle ? Un style lapidaire et frontal, une crise intérieure, des émotions ténébreuses ou explosives et une prise directe avec les événements, caractérisent-ils la production pour les adolescents ? Certains éléments se retrouvent en effet dans les deux dominantes – mondes imaginaires et fantastiques et réalisme empathique – de cette offre, tandis que des collections lui attribuent de préférence une voie narrative ou des thèmes spécifiques. Sans avoir l’ambition de poursuivre une réflexion de haut vol sur le genre qui court depuis Platon et Aristote (2), contentons-nous ici de quelques remarques. Les discours des éditeurs de collections ado reflètent incertitudes, suppositions et tentatives bien plus que des conventions, un cadre ou un style définis. L’adéquation du texte au lectorat qu’ils s’imaginent semble finalement le critère qui circonscrit ce segment du marché, même lorsqu’il s’agit de littérature « blanche », associée aux récits réalistes. Les livres sont moins définis par l’âge de leurs destinataires – incertain et aléatoire –, que par une série de représentations, celles des goûts et des besoins présumés des jeunes par les professionnels, à cette étape de bouleversement physique et psychique de l’adolescence.
Contrairement à la littérature générale de même veine, qui peut faire fi de son public, l’horizon d’attente – réel ou fantasmatique – du destinataire, détermine pour partie les choix éditoriaux des maisons. Par cette approche contrainte, elle relève bien de la littérature de jeunesse qui ne peut s’affranchir de son public cible, même si les marqueurs d’âge tendent à s’estomper sur les couvertures pour gagner un lectorat plus large. Et s’il est perçu comme mûr voire jeune adulte, le lecteur reste en devenir, et à ce titre, un jeune à accompagner, à éduquer ou à ouvrir au monde, vocation pédagogique étrangère à la littérature adulte. Ce rôle aliénant pour bénéficier de la même reconnaissance que la littérature générale est en même temps valorisé par les éditeurs jeunesse qui l’utilisent souvent pour revendiquer la légitimité de leurs publications, défendant la littérature ado pour la préserver de détracteurs qui la cantonneraient à un stade larvaire entre la littérature jeunesse et la générale, une étape transitoire aux productions inabouties. Ainsi, sagas imaginaires et dystopies permettent de s’évader, certes, mais aussi de réfléchir à notre société, comme s’il fallait refouler le divertissement pour lui-même, infantile. Autre pan, l’exploration des relations (familiales et amicales) et des émotions, repose souvent sur un argumentaire de présentation qui ballotte entre visée thérapeutique ou identificatoire et portée littéraire.
Si leur analyse du marché ou des tendances diffère (3) parfois fortement, comme l’illustrent, par exemple, les trois entretiens suivants, les éditeurs de littérature ado/YA ont en commun un lectorat insaisissable malgré l’importance des blogs et des réseaux sociaux, mouvant, exigeant mais infidèle que tous essaient de gagner, conscients qu’ils sont les lecteurs de demain – un enjeu de taille !
(1) Voir entretien avec S. Gracia, Lecture Jeune n°150, p. 16. (2) Plus récemment, on renverra à Jean-Marie Schaeffer, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Éditions du Seuil, Poétique, 1989. (3) Le Rouergue se lance par exemple dans une collection d’imaginaire young adult quand « Castelmore » et Nathan développent le réalisme.
Entretien avec Sylvie Gracia (Le Rouergue) par Sonia de Leusse-Le Guillou, directrice de Lecture Jeunesse
Entretien avec Eva Grynszpan (Nathan Jeunesse) par Sonia de Leusse-Le Guillou, directrice de Lecture Jeunesse
Entretien avec Barbara Bessat-Lelarge (Castelmore) par Sonia de Leusse-Le Guillou, directrice de Lecture Jeunesse
Les collections jeunes adultes vues par Lecture Jeunesse
Collection | Editeur |
Romans ado | Gallimard Jeunesse |
Wiz | Albin Michel Jeunesse |
Grands formats | Pocket Jeunesse |
Black moon, Bloom, Hachette Romans | Hachette Jeunesse |
eXprim’ | Sarbacane |
Msk | Editions du Masque |
Courants noirs | Gulf Stream |
Milady (new adult) | Bragelonne |
Romans | Les Grandes Personnes |
Castelmore | Bragelonne |
Darkiss | Editions Harlequin |
Territoires | Fleuve noir |
R | Robert Laffont |
Y | Denoël |
La Belle Colère | Monsieur Toussaint Louverture et Anne Carrière |
Grands formats | Lumen |
Epik | Le Rouergue |
Romans ados, D’une seule voix | Actes Sud Junior |
Le maedre | Atalante |
Millezime, Sublime idylle, Grands Formats | Bayard Jeunesse |
Romans ados | Casterman |
Fiction romans | Didier Jeunesse |
Medium | L’Ecole des loisirs |
Doado | Le Rouergue |
Tribal, Emotions, Grands formats | Flammarion |
Romans ado, Scripto | Gallimard jeunesse |
Les séries, Romans Bleus, Romans, Courants noirs | Gulf Stream |
Romans | Helium |
Encrage | La Joie de lire |
J-Fiction | La Martinière Jeunesse |
Jeunesse 12 et + | Michel Lafon |
Zone J, Mijade romans, Romans illustrés | Mijade |
Macadam | Milan |
12 ans et +, 14 ans et + | Nathan |
Oskar Romans (La vie, Passion, Polar, Fantasy), Histoire et société, Oskar poche | OSKAR Editions |
Heure noire, Rageot Thriller, Romans, Grands formats | Rageot |
Mini romans | Sarbacane |
Jeunesse, Romans d’horreur | Scrineo Jeunesse |
Fiction, Rat noir, Soon | Syros |
Romans, Grand format | Thierry Magnier |
Surproduction sur le marché de la fiction pour les jeunes adultes ? par Marieke Mille, rédactrice en chef de la revue Lecture Jeune
Focus sur La Belle colère par Stephen Carrière, directeur éditorial
Légitimation ou transgression quel statut pour le roman contemporain pour adolescents ? par Laurent Bazin, maître de conférences en littérature française du XXe siècle à l’université de Versailles-Saint-Quentin
La place du roman pour adolescents dans l’enseignement par Sylviane Ahr et Max Butlen, fondateurs du Master de Littérature de jeunesse à l’Université de Cergy-Pontoise
Les adolescents, public insaisissable des bibliothèques ? par Cécile Rabot, chercheuse et maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
Informations complémentaires
Format | Numérique, Papier |
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