Sciences et lecture n°165, mars 2018

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Description

Actes du colloque de lancement de l’Observatoire de la lecture des adolescents

Sommaire « Sciences et lecture »

LECTURE JEUNE 165 | MARS 2018

Edito par Sonia de Leusse-Le Guillou, directrice de Lecture Jeunesse

Pourquoi un tel sujet à l’occasion du lancement de l’Observatoire de la lecture des adolescents ? Parce que nous ne concevons pas un Observatoire déconnecté de la réalité de terrain mais bien un Observatoire qui se préoccupe de sujets de fond, concrets, pour la société d’aujourd’hui et de demain : quelles connaissances pour les jeunes, quelles démarches critiques et analytiques ? Précisément, la question de l’esprit critique, la conduite d’une démarche interrogative, du doute, de l’observation et la réfutation, sont au cœur de toute perspective scientifique, et au cœur des sujets de société d’aujourd’hui.

Quelle est notre capacité à forger des esprits capables de penser le monde de demain, et peut-être d’inventer d’autres sociétés, d’autres systèmes ? À l’issue de sa conférence lors de l’iMagination Week devant des étudiants de l’ESSEC, Étienne Klein répondait à une question sur « les applications opérationnelles de toutes ces théories aujourd’hui […]. La relativité restreinte, par exemple, la relativité générale » : « Il se trouve que la relativité restreinte, d’abord, c’est la bonne théorie de l’espace et du temps […]. Donc même s’il n’y avait pas d’applications, c’est la bonne théorie. Si vous voulez penser l’espace et le temps, c’est par la relativité restreinte que vous pouvez le faire et non pas par un autre système. Sa première utilité, c’est donc de nous proposer ce qu’on pourrait appeler des découvertes philosophiques négatives. […] Cette théorie qui fonctionne, qui n’a jamais été démentie depuis plus d’un siècle, vient éclairer voire contraindre les réponses philosophiques qu’on peut apporter à des questions philosophiques. Par exemple, si vous vous intéressez à Kant ou à Husserl ou à Heiddeger ou à Saint Augustin, c’est intéressant, c’est des systèmes sur le temps qui sont parfaits. Mais la question advient de savoir ce qu’ils disent : est-ce que c’est compatible avec ce que dit la relativité ou est-ce que ça n’a rien à voir ? Ça, c’est la première application. Ensuite, il y a des applications pratiques […](1) ».

Faut-il démontrer que les sciences font partie intégrante de la culture ? J’espère avoir ainsi balayé d’emblée l’éventuelle discussion sur les termes de « culture scientifique ». Oui, nous en sommes convaincus, sciences et culture sont pléonastiques. Mais il reste du travail pour que les sciences fassent pleinement partie des représentations de la culture de tout un chacun et pour qu’elles en soient une des constituantes.

Car si la vulgarisation/la diffusion/la médiation des sciences – selon les termes employés – est un thème fréquemment traité, en revanche celui de leur lecture l’est moins. La découverte et l’appréhension des sciences par l’expérience sont portées par de nombreuses associations très mobilisées, qui les développent au travers d’actions souvent inventives. Y en-a-t-il beaucoup qui reposent sur la lecture et l’écriture, qui intègrent des livres, la presse, des textes de scientifiques ? Qu’apporte la lecture en particulier ?

Dans sa cartographie des acteurs, la Stratégie nationale de Culture Scientifique, Technique et Industrielle ne fait pas mention des éditeurs en particulier mais des « médias (presse écrite, audiovisuelle, web)(2)» en général. Quelle place pour les éditeurs, pour les livres documentaires, les fictions, les bandes dessinées scientifiques à destination des adolescents, dans la construction d’un imaginaire scientifique, d’une culture scientifique ou dans l’acquisition de connaissances ? Car si la dernière enquête du CNL sur les jeunes et la lecture montre que les collégiens et les lycéens lisent surtout pour se détendre et placent « l’apprentissage de nouvelles choses » en 6e position, l’étude Junior Connect-Ipsos de 2014 montre qu’après la détente, c’est pour « apprendre de nouvelles choses » que les jeunes de 13 à 19 ans lisent. Le focus 15-24 ans de l’étude 2014 du CNL le montrait également(3) puisque pour 59 % des jeunes, lire permet « d’approfondir leurs connaissances sur un ou des sujets en particulier ».

La lecture didactique est bien, on le sait, l’un des usages de la lecture qui émergent notamment dans Histoires de lecteurs(4) . Or, les médiations concernent davantage la lecture dite « plaisir », détente, omettant souvent cet usage de la lecture qui existe pourtant chez les jeunes. On ne saurait limiter les écrits scientifiques aux seules connaissances. L’élaboration d’une réflexion, d’une démarche, est également constitutive des livres scientifiques comme l’explique Didier Leterq(5) , dans un article où il expose l’intérêt de la fiction au service de la science : « mon objectif aura été atteint si le lecteur s’est interrogé sur le monde qui l’entoure(6) ».

Pour ce colloque, nous avons choisi trois entrées, celles de l’Observatoire : l’observation d’abord de l’offre éditoriale scientifique, des supports à partir desquels les adolescents peuvent se familiariser avec les sciences par des connaissances ou des questionnements. La seconde entrée porte sur le type d’écriture qu’induit la vulgarisation scientifique. La troisième est consacrée aux médiations : nous avons souhaité valoriser certaines d’entre elles qui intègrent l’évaluation et l’observation au centre de leur démarche. Toutes placent la lecture au cœur de leurs interrogations, soit parce qu’elles reposent sur des supports écrits ou les utilisent, soit parce qu’elles choisissent, après réflexion sur la place de la lecture, de privilégier une autre voie.

(1) E. Klein, directeur de recherches au CEA, 2016: « Le monde selon Einstein », conférence de l’iMagination Week Global BBA 2016 (une semaine visant « à ouvrir l’esprit et parfaire la formation des managers de demain »). Propos retranscrits à partir de la vidéo : lc.cx/fTcA.

(2)Stratégie nationale de CSTI, p. 35 : urlz.fr/6Ejh.

(3)Confirmé par l’enquête de 2015.

(4)G. Mauger, C. Poliak, B. Pudal, Histoires de lecteurs, éd. du Croquant, 2010.

(5)Ingénieur au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, et auteur (éd. Le Pommier).

(6)Nous voulons lire n°209, 2016, p. 27.

Lettres et sciences, même combat Entretien avec Sonia Zillhardt, chargée de mission, Ministère de la Culture

Parmi les nombreuses médiations et manifestations citées par le Ministère de la Culture dans sa Stratégie Nationale de Culture Scientifique, Technique et Industrielle, la lecture occupe une place significative. Cette stratégie s’inscrit notamment dans les bibliothèques pour que les publics défavorisés ou éloignés de la lecture, mais aussi les jeunes et les filles, accèdent plus facilement à la culture scientifique.

Dessiner les sciences Entretien avec Marion Montaigne, auteure et illustratrice

Plus jeune, elle se trouvait « trop nulle » pour faire des sciences. Aujourd’hui, Marion Montaigne est l’une des vulgarisatrices les plus suivies de France. Ses bandes dessinées humoristiques et leur adaptation en dessins animés sur ARTE attirent de nombreux adolescents. L’illustratrice souhaite décomplexer ses lecteurs, souvent intimidés par les sciences, en montrant celles-ci sous un jour décapant et accessible.

Sciences et cultures ados Table ronde avec Jean-Baptiste de Panafieu, auteur scientifique, Nathan Uyttendale, cofondateur de la chaîne YouTube La statistique expliquée à mon chat, et Clémence Perronnet, doctorante en sociologie

Qui a dit que les adolescents n’aimaient pas les sciences ? Les romans de science-fiction sont adaptés en séries télévisées à succès. Les chaînes YouTube de vulgarisation rassemblent des millions d’abonnés. Un magazine comme Science & vie Junior fait partie des titres de presse les plus lus par les jeunes. Comment les sciences et les scientifiques sont-ils représentés par ces différents supports ? Quels effets ont-ils sur la manière dont les adolescents perçoivent la science ?

Focus : Jouer à débattre Par Camille Volovitch, coordinatrice du projet « Jouer à débattre » pour L’Arbre des connaissances

« Ouvrir la science aux citoyens » : voilà l’objectif de L’Arbre des connaissances qui, depuis 2004, œuvre à la création d’espaces de dialogue entre adolescents et scientifiques. Avec le projet « Jouer à débattre », l’association offre aux professionnels de l’éducation et de la culture des supports innovants pour intéresser les jeunes aux sciences.

Qui a peur des sciences ? Entretien vidéo avec Sophie Bancquart, présidente du groupe Sciences Pour Tous, fondatrice des éditions Le Pommier, projeté en partie lors du colloque

Les livres de vulgarisation scientifique, bien que peu nombreux, peuvent déconcerter les professionnels : quels titres choisir ? Pour quels publics ? Comment les valoriser ? Face à ces questionnements, les éditeurs du groupe Science Pour Tous (SPT) mettent en œuvre différentes actions pour que la vulgarisation scientifique, qu’elle passe par le documentaire ou par la fiction, trouve sa place dans les centres de sciences, les librairies et les bibliothèques.

Quand la science sort du labo Table ronde avec Jean-Noël Aqua, physicien, Nadeige Bouvard, directrice du réseau des médiathèques de Clamart, Emmanuelle Pouydebat, biologiste, et Julien Falgas, chercheur en sciences de l’information et de la communication

La vulgarisation, une perte de temps pour le chercheur ? C’est ce que semble penser une partie de la communauté scientifique. Diffuser les connaissances s’avère pourtant enrichissant, aussi bien pour les citoyens qui affûtent ainsi leur esprit critique que pour les chercheurs eux-mêmes. Face à ce constat, certains scientifiques décident d’utiliser les livres et l’écriture pour vulgariser leurs travaux, en collaborant avec des bibliothécaires ou des journalistes. Une façon de renouveler leur regard sur leur propre métier et de susciter des vocations.

Focus : Travailler ensemble pour les sciences Par Chloé Fraisse-Bonnaud, déléguée générale de la Fédération Interrégionale du Livre et de la Lecture (FILL) jusqu’en déc. 2017

Les bibliothécaires sont experts dans la valorisation des livres, tandis que les médiateurs des centres de sciences savent transmettre leurs savoirs techniques. Le projet proposé par la FILL et l’AMCSTI vise à encourager la collaboration entre ces acteurs, pour mettre en avant les collections scientifiques de manière innovante.

30 minutes par jour pour mieux lire les sciences ? Entretien avec Anne Vibert, inspectrice générale de l’Éducation nationale

L’enquête PISA examine les performances de lecture des jeunes de 15 ans en France et à l’international. Elle révèle que les ados qui lisent plus de 30 minutes par jour « pour le plaisir » comprennent bien mieux que les autres les textes littéraires et les documents scientifiques… mais aussi que la France fait partie des pays où le « plaisir » de lire des jeunes régresse le plus nettement.

3 médiations scientifiques par la lecture et l’écriture Table ronde avec Ange Ansour, directrice des Savanturiers, Laurence Bordenave, fondatrice de l’association Stimuli, et Claude Farge, directeur de la bibliothèque d’Universcience

Intéresser les ados aux sciences, à la lecture et à l’écriture… Mission impossible ? Pas pour les trois intervenants de cette table ronde. Les médiations qu’ils mettent en place utilisent notamment la bande dessinée et les outils numériques pour donner envie aux jeunes de développer leur culture scientifique, de lire et d’écrire.

Le e-dossier de la revue

 

Qui a peur des sciences ?

Interview vidéo de Sophie Bancquart, présidente du groupe Sciences Pour Tous (SNE), fondatrice des éditions Le Pommier.

Informations complémentaires

Format

Numérique, Papier