Ils sont souvent représentés avachis sur un canapé. Nous avons choisi de vous les montrer en mouvement. Et dans le cas contraire, de comprendre pourquoi certains adolescents ou jeunes adultes ne bougeaient pas – ou ne pouvaient pas se déplacer. Il faut des moyens de transport accessibles pour parcourir un espace ; c’est déjà beaucoup, mais cela ne suffit pas. Avant tout départ, quel qu’il soit, il faut aussi être en capacité d’imaginer l’inconnu, l’ailleurs, et pouvoir s’y projeter. Pour faire exister un espace, pour s’y rendre a fortiori, on doit d’abord se le représenter.

Or une double réalité coexiste, avec d’une part, des jeunes qui ne parviennent pas à s’extraire mentalement ou physiquement de leur lieu d’habitation, d’autre part, des zones touristiques tellement investies par les fantasmes des touristes qu’elles finissent par être calquées sur ces clichés. Dans le premier cas, il ne peut y avoir du mouvement ; dans le second, il y a bien un déplacement physique, mais y a-t-il également eu une rencontre avec une autre culture, par exemple ?

Nous avons donc essayé de comprendre les motivations, parfois très fortes, des adolescents qui quittent temporairement leurs habitudes et leur foyer mais aussi les freins qui limitent une partie d’entre eux. Et, fidèles à l’objet de la revue, qui s’intéresse plus particulièrement à la lecture et à l’écriture des jeunes, nous avons voulu explorer les liens éventuels entre livres et voyage : tourisme littéraire, écriture de road trip ou tour d’horizon des déplacements de personnages dans des romans de littérature jeunesse. Contre toute attente, il semble – pour les romans réalistes de 2017 en tout cas – qu’il y ait un écart entre la perception du déplacement par les jeunes héros, et l’image très positive qu’a désormais la mobilité, promue comme une valeur ou un droit, dans notre société.

Les espaces ont une âme. Partout, entre les routes et les immeubles, l’imaginaire pose son empreinte. Paris ou Manhattan ne sont-ils pas plus que de simples amas de béton ? Leurs rues évoquent des poètes, des personnages, des événements historiques ou fictifs. Notre regard sur le monde en est modifié. Mais il arrive aussi, à l’inverse, que l’espace se transforme pour correspondre à l’imaginaire de ses visiteurs. Le tourisme de masse modèle alors les lieux pour les conformer à ses attentes, issues d’Hollywood ou d’Instagram.

« On se lève tous pour Danette ». « Un coup de barre ? Mars, et ça repart » ! Dans la publicité, jeunesse et mouvement vont souvent de pair. Des serviettes hygiéniques à la station de radio, voici 5 marques qui ont transformé la mobilité adolescente en argument marketing.

1985 : Erasmus est créé. Depuis, plus de 4 millions d’étudiants européens sont partis en échange universitaire avec Erasmus+. Au-delà des études, les voyages importent aussi aux entreprises. La mobilité des jeunes, gage d’adaptabilité et d’ouverture, intéresse de plus en plus les recruteurs. Toutefois, il ne s’agit pas de bouger pour bouger. Encore faut-il tirer parti de ces expériences pour les valoriser dans son cursus.

Comment trouver un emploi en zone rurale quand on n’a pas le permis ? Comment le conserver quand on n’a pas les moyens de réparer sa voiture ? Comment éviter les accidents ? Prévention, formation, accompagnement personnalisé, aide financière et matérielle, Wimoov accompagne chacun au plus près de ses besoins.

Se déplacer coûte cher. Trop cher, pour beaucoup d’adolescents. Et le prix de la mobilité ne se compte pas seulement en euros. Comment partir étudier loin de chez soi sans avoir jamais quitté son village ? Comment emprunter les transports en commun sans en connaître les codes ? Face à un monde inconnu et anxiogène, l’espace familier rassure. Mais quand en sortir devient impossible, le cocon peut prendre des allures de prison.

Léa a rencontré les artistes du street art à Téhéran. Pierre a observé les chamanes Jivaro en Équateur. Louisa a recueilli des recettes de cuisine au Cap Vert. Si ces trois adolescents ont pu voyager, c’est grâce à une bourse de la fondation Zellidja. Seuls avec un budget réduit, de jeunes boursiers sillonnent chaque été les routes pour étudier un sujet de leur choix. Ils transmettent ensuite leurs découvertes par le dessin ou la vidéo, mais surtout par l’écriture. De quoi lancer des vocations : l’écrivain Philippe Labro, entre autres, fait partie des anciens « Z » célèbres.

Conçu à l’origine pour les petits budgets et les voyages en sac-à-dos, le Routard a tout d’un guide pour les jeunes explorateurs. Ceux-ci constituent le cœur de cible de la maison. Pourtant, c’est dans les poches des quadragénaires que le guide circule le plus.

Depuis qu’il est allé au Népal pendant l’été 2018, Glenn a changé. L’adolescent de 16 ans dit avoir mûri et gagné en confiance. Il pose également un nouveau regard sur sa propre vie en France ; comparée à celle des enfants qu’il a aidés, elle lui semble bien facile. Pour pouvoir mener ce projet humanitaire, Glenn a réuni de l’argent, du matériel et des livres auprès de nombreux sponsors. Il en revient encore plus motivé à repartir en voyage, et riche de belles rencontres.

« Au football, on gagne ensemble, on perd ensemble ». Bouger avec et pour son équipe : voilà ce qui fait vibrer Maeva. Cet été, la collégienne est allée bien au-delà de son terrain habituel. En pleine période de brevet, elle a pris l’avion pour la Russie. Direction Kazan, pour le premier match de coupe du Monde de la France. Encore émerveillée par son séjour, Maeva raconte sa passion du sport et ses envies de voyages.

Quel est le point commun entre Dubrovnik (Croatie) et la gare King’s Cross (Londres) ? Grâce au Trône de fer et à Harry Potter, les deux lieux attirent chaque année des milliers de jeunes. Soudain, les lieux imaginés y deviennent réels. Les visiteurs montent à bord du Poudlard Express, arpentent les rues de Port-Réal. Un tourisme littéraire en plein boom qui révèle un nouveau rapport, plus affectif, entre les lecteurs et les œuvres.

À l’origine, ce devait être un simple road trip américain entre filles. Et puis Nine Gorman s’en est mêlée. Quand la Booktubeuse a invité ses abonnés à lui lancer des défis sur la route, ses vacances avec l’auteure Marie Alhinho se sont vite transformées en aventure. De ce périple est né un roman à quatre mains. Sur YouTube, un documentaire raconte comment Nine et Marie ont survécu aux eaux du Mississipi, à un fan de karaoké et à d’effrayantes mascottes-lapins de supermarchés.

Un mauvais moment à passer. Voilà ce que pensent les ados des voyages, si l’on en croit les romans de 2017. Car les vacances imaginaires sont, pour la plupart, forcées. Partir dans la nature avec ses parents, sans confort, et surtout sans connexion ? Rien ne déplaît plus aux jeunes personnages. Loin des guerriers libres et fougueux des mythes, les héros contemporains dépassent rarement l’angle de la rue.