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La fantasy, historique et définition du genre

Jacques Baudou, dont l’intervention a ouvert la journée d’étude de Lecture Jeunesse, dresse un panorama complet de la fantasy et pose un certain nombre de jalons qui permettent de mieux appréhender ce genre, son histoire, ses sources littéraires, ses caractéristiques et ses différentes branches.

À l’origine de la fantasy

Notre époque a assisté à la naissance d’un nouveau genre littéraire. Et on peut dater précisément l’émergence éditoriale des littératures dites de l’imaginaire en 1965, date à laquelle parut aux États-Unis en paperback1Au format livre de poche. Le Seigneur des anneaux, d’abord en édition pirate chez Ace Books2Ace Books est la plus ancienne maison d’édition de science-fiction et de fantasy encore en activité. Elle a été créée à New York en 1952., puis chez Ballantine3Ballantine Books est une maison d’édition américaine, spécialisée dans les formats paperback, fondée en 1952 par Ian Ballantine et rachetée par Random House en 1973. avec une préface inédite de J.R.R. Tolkien lui-même.
Le roman avait déjà été publié aux États-Unis en hardcover4Grand format avec une couverture rigide. en 1954-55, mais l’édition de poche – sans doute arrivait-elle à son heure – obtint un succès considérable : 20 rééditions en trois ans. L’ouvrage devint culte pour certains de ses lecteurs, comme le prouvent les témoignages d’une kyrielle d’auteurs de fantasy recueillis dans Méditations sur la Terre du Milieu5Karen Haber, Méditations sur la Terre du Milieu, Bragelonne, 2003. Dans ce recueil, vingt et un auteurs à succès (anglais, américains mais aussi français) de la fantasy actuelle partagent avec le lecteur la relation toute personnelle qu’ils entretiennent avec les mythologies de Tolkien..
Les conséquences éditoriales de ce succès de librairie ne se firent pas attendre. En 1969, Ballantine Books confia à Lin Carter le soin de diriger une collection frappée d’une licorne vouée à la publication de textes dans la lignée du Seigneur des anneaux. La fantasy a eu des précurseurs et Lin Carter, qui connaissait bien le paysage éditorial, a donc rassemblé la plupart d’entre eux au sein de cette collection : George MacDonald, William Morris, Lord Dunsany, E.R. Eddison, James Branch Cabell, Lovecraft, Clark Ashton Smith (deux auteurs du pulp Weird Tales6Les pulps, abréviation de « pulp magazines », sont des magazines populaires américains édités dans les années 1930 et 1940, dont le papier, grossier, était fait de pulpe de bois, d’où leur nom. Lancé en mars 1923, Weird Tales est un pulp américain consacré à l’horreur, au fantastique et à la fantasy. Plusieurs des écrivains vedettes de cette revue écrivirent de la fantasy.), Hope Mirlees, Hanne Bok, Fletcher Pratt, Evangeline Walton et Mervyn Peake. Il composa quelques remarquables anthologies7dans l’une de ces anthologies figure une nouvelle d’Anatole France dont Jacques Baudou n’a pas trouvé la parution originelle., dont DragonsElves and Heroes (Ballantine, 1969) et Great Short Novels of Adult Fantasy (T. 1 et 2, Ballantine, 1972-73), pour cartographier le territoire et ses sources anciennes (sagas scandinaves, légendes épiques anglaises comme les Mabinogion ou le Beowulf 8Les Mabigonion sont des récits médiévaux écrits en gallois. Beowulf est un poème épique moyenâgeux en vieil anglais., etc.) et il commença à publier quelques auteurs contemporains (Poul Anderson ou Katherine Kurz).
Ne manquait guère à cette recension éditoriale qu’un auteur du pulp Weird Tales, Robert E. Howard, le créateur de Conan le barbare, fondateur par là même d’une branche de la fantasy, l’heroic – fantasy ou sword and sorcery, considérée comme une sorte de succursale xcentrique de la science-fiction ou du fantastique. Mais les œuvres de ce dernier faisaient déjà l’objet de rééditions et de réécritures auxquelles Lin Carter était associé avec L. Sprague de Camp et Fritz Leiber qui, dans les pages du magazine Unknown9Le magazine Unknown (ou Unknown Worlds), pulp dirigé par John Campbell Jr., joua un rôle important dans le développement de la fantasy au début des années 1940. avait donné quelques lettres de noblesse à l’heroic – fantasy avec Le Cycle des épées. À ces deux auteurs américains, il faut ajouter l’écrivain anglais Terence H. White qui a fondé avec The Sword in the Stone10L’Épée dans la pierre, 1938, adapté au cinéma en 1963 par Walt Disney sous le titre français de Merlin l’enchanteur. (1938), à partir des légendes bretonnes, la fantasy arthurienne.
En 1977, Ballantine Books lança une nouvelle collection de fantasy adulte à l’effigie du griffon et publiant des romans inédits après avoir arrêté celle de Carter deux ans auparavant. Le premier roman de cette collection, The Sword of Shannara de Terry Brooks, d’inspiration nettement tolkienienne, entra dans la liste des meilleures ventes du New York Times, rapidement suivi par un livre de Stephen R. Donaldson (du cycle des Chroniques de Thomas Covenant). L’irrésistible ascension de la fantasy commençait. À l’orée des années 1990, elle devait concurrencer sévèrement la science-fiction et ne tarda pas à la dépasser.

Éléments de définition de la fantasy

À l’origine, le terme anglo-saxon fantasy désigne de façon globale ce qu’en France nous différencions en « fantastique » et « merveilleux ». Mais le surgissement de l’étiquette éditoriale fantasy a conduit les universitaires américains Thymm, Boyer et Zahorski à entreprendre une approche théorique plus serrée. Ils proposèrent la définition suivante : « La fantasy est un genre littéraire composé d’œuvres dans lesquelles des phénomènes surnaturels, irrationnels jouent un rôle significatif. Dans ces œuvres, des événements arrivent, des lieux ou des créatures existent, qui ne peuvent arriver ou exister selon nos standards rationnels ou nos connaissances scientifiques11Marshall B. Thymm, Kenneth J. Zahorski et Robert H. Boyer, Fantasy Literature. A Core Collection and Reference Guide, R. R. Bowker, 1979. ». Mais ils distinguent aussitôt deux catégories :

– la low fantasy dont les intrigues se déroulent dans notre monde rationnel, familier. Les événements surnaturels s’y produisent de façon brusque, sans causalité, sans explications. Cette catégorie correspond à ce que nous désignons sous le vocable « fantastique ».

– la high fantasy dont les intrigues ont pour décor un monde différent du nôtre, qu’ils appellent « monde secondaire », possédant ses propres lois naturelles qui diffèrent généralement de celles de notre monde. Cette catégorie correspond à ce que nous désignons aujourd’hui sous le terme fantasy.

Leur analyse les conduit ensuite à préciser la notion de monde secondaire et à subdiviser la high fantasy en :

– myth fantasy qui exploite une causalité surnaturelle (généralement les pouvoirs divins) et s’inspire des mythologies,

– fairy tale fantasy qui accorde à certains hommes (mages, sorciers) ou créatures des pouvoirs magiques et puise sa source dans les contes merveilleux – subdivision de la classification d’Aarne-Thompson12D’après les travaux du folkloriste finlandais Antti Aarne, complétés par ceux de Stith Thompson, qui aboutissent à la parution, en 1928, de The Type of the Folktale, catalogue systématique international de tous les contes populaires du monde. Cette classification distingue quatre grands types de contes populaires : les contes proprement dits, les contes facétieux, les randonnées, les contes d’animaux. des contes populaires.
La magie joue en fantasy un rôle généralement crucial, ce qui a conduit les premiers exégètes à remarquer qu’elle y tenait une place équivalente à celle de la science dans la science-fiction. La fantasy peut être aussi définie par l’effet qu’elle produit sur le lecteur. Selon J.R.R. Tolkien, il doit être le même que celui suscité par les contes de fées, à savoir Awe and Wonder13J.R.R. Tolkien, « On Fairy Stories » (« Du conte de fées »), conférence du 8 mars 1939 publiée pour la première fois en 1947., c’est-à-dire « effroi et émerveillement ».

Un genre protéiforme

En fait, la fantasy est un genre multiforme dominé par une branche qui en a constitué le pôle de référence : la fantasy épique, qui a trouvé dans Le Seigneur des anneaux son modèle originel. Tolkien a en effet légué à la fantasy épique la plupart de ses caractéristiques :

– un monde secondaire dans lequel la société décrite est de type médiéval occidental avec suzerain, aristocratie, église, peuple et deux lieux symboliques (le château et la forêt – Camelot et Brocéliande) ;

– l’utilisation de personnages et de créatures provenant des mythologies (centaures, faunes, dryades), des contes merveilleux (fées, nains, trolls) ou du bestiaire fantastique (dragons et licornes) ;

– la lutte manichéenne entre le Bien et le Mal, entre magie blanche et magie noire, symbolisée par le combat de Gandalf contre Sauron et Saroumane dans Le Seigneur des anneaux ;

– le thème structurant de la quête – souvent initiatique – qui fait généralement de la fantasy épique une littérature de la pérégrination.

La fantasy épique a bien sûr évolué au cours de ces trente années d’existence. Les auteurs ne se sont pas contentés d’utiliser les canons du Moyen-âge occidental et ont choisi d’explorer des mondes secondaires puisés dans d’autres civilisations et mythologies que la nôtre : l’Extrême-Orient chinois ou japonais (Barry Hughart, Chris Wooding, Sean Russell14Barry Hughart, Les Aventures de Maître Li, cycle de trois romans (1984-1990) qui a pour décor la Chine ancienne ; Chris Wooding, trilogie La Croisée des chemins (2003-2005) ; Sean Russell, Le Frère initié (1991) et Le Berger des nuages (1992).), l’Orient des Mille et une nuits (la trilogie de Weis et Hickman, La Rose du prophète), constituant ainsi une veine particulière de la fantasy appelée par les anglo-saxons Oriental fantasy (« fantasy exotique15Traduction de Jacques Baudou. »). Les auteurs ont osé des époques historiques de référence autres que médiévale : la Renaissance (Midori Snyder, Les Innamorati, 1998 ; Lisa Goldstein, Les Jeux étranges du soleil et de la lune, 1993), l’Antiquité grecque (Thomas Burnett Swann, David Gemmell16Thomas Burnett Swann, La Forêt du minotaure (1971) et Le Labyrinthe du minotaure (1977) ; David Gemmel, Le Lion de Macédoine (1990) et Le Prince noir (1991).), les années 1800 aux États-Unis (Orson Scott Card, cycle des Chroniques d’Alvin le faiseur). Certains ont démarqué d’autres genres littéraires : le roman de cape et d’épée (Martha Wells, La Mort du nécromantLe Feu primordial), le western (Mark Sumner, La Tour du diableLe Train du diable), le roman d’aventures maritimes (Robin Hobb, cycle des Aventuriers de la mer ; Scott Lynch, cycle des Salauds gentilhommes), voire l’hybridation avec le roman policier.
La première forme de fantasy épique, l’heroic – fantasy, a connu dans les années 1960-1970 un bref regain de vitalité (avec des « sous-Conan » : Kothar, de Gardner F. Fox, Brak, de John Jakes et Thongor, de Lin Carter) et n’a été illustrée de façon notable et un peu sophistiquée que par l’écrivain britannique Michael Moorcock avec son personnage d’Elric le nécromancien17Michael Moorcock, cycle d’Elric (1961-1991)., homme de guerre et de magie, frappé d’angoisses existentielles, le champion éternel (Moorcock a donné d’autres incarnations de cette figure avec Hawkmoon ou Corum18Corum et Hawkmoon sont les héros de cycles homonymes de Michael Moorcock. Le cycle de Corum (1971-1974) comprend 6 tomes, la Légende de Hawkmoon (1967-1975) en comprend 7.). Les auteurs de fantasy épique ont aussi travaillé sur l’idée de magie, en décrivant des formes diverses (par exemple chez Robin Hobb dans L’Assassin royal et chez Jennifer Roberson dans Les Métamorphes, en lien avec un animal), son difficile apprentissage (Ursula K. Le Guin dans le cycle de Terremer) ou en insistant sur le prix parfois exorbitant à payer pour l’exercer.
La fantasy ne saurait néanmoins se limiter à ces différentes formes. Il en existe en effet d’autres, parfois moins connues, comme la fantasy animalière, initiée par Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame et relayée par Richard Adams (Les Garennes de Watership down), William Horwood (Le Bois Duncton), Tad Williams (La Légende du noble chat Piste-Fouet) ou Gary Kilworth (Hunter’s MoonMidnight’s Sun et Frost Dancers : A Story of Hares).
Il y a ensuite la fantasy humoristique, la light fantasy des anglosaxons, avec ses deux hérauts, l’américain Piers Anthony et sa série de Xanth et l’anglais Terry Pratchett avec ses Annales du disque-monde. À ce registre souvent savoureux appartiennent les parodies du Seigneur des anneaux ou de L’Histoire sans fin, et surtout l’oeuvre originale de Jasper Fforde dont le monde secondaire est tout simplement celui des livres19Jasper Fforde, Thursday Next, 2001-2011, 6 tomes, Fleuve noir, 2004, puis 10/18, 2005. !
Il y a encore la fantasy arthurienne, rameau particulièrement vivace dans lequel les auteurs revisitent le cycle arthurien en réhabilitant ses trois héroïnes principales (Les Dames du lac de Marion Zimmer Bradley) ou la reine adultère (Nancy McKenzie, Guenièvre, L’Enfant reine et Guenièvre, la Reine de Bretagne), en se centrant sur les figures de Merlin (Mary Stewart, La Grotte de cristalLes Collines aux mille grottesLe Dernier Enchantement) ou Gauvain (Gillian Bradshaw, cycle de Gwalchmai), en le christianisant de façon radicale (Stephen Lawhead, cycle de Pendragon), ou bien, comme Robert Holdstock dans son cycle du Codex Merlin, en reliant de façon syncrétique le personnage de Merlin à celui de Jason et en ressuscitant les Argonautes.
N’oublions pas enfin la fantasy urbaine – urban fantasy – dans laquelle la magie et les êtres féeriques se manifestent à l’époque contemporaine dans une grande ville et dont l’incontestable chef d’œuvre est Le Dernier Magicien de Megan Lindholm, alias Robin Hobb : un ancien combattant du Vietnam à la dérive dans Seattle y affronte une force maléfique. C’est la seule forme de fantasy qui autorise un commentaire social explicite. Genre longtemps minoritaire, la fantasy urbaine est passée aujourd’hui au premier plan avec le succès de la bit-lit qui en est, selon certains commentateurs, une variante ou une métamorphose.
Ajoutons que quelques auteurs de fantasy ont donné des œuvres d’une singularité qui va de pair avec leur qualité : John Crowley avec Le Parlement des fées, Robert Holdstock avec le cycle de Mythago Wood, Jonathan Carroll avec Le Pays du fou rire ou Neil Gaiman (Neverwhere, American Gods et Stardust). Il faut également citer deux auteurs dont l’œuvre se rattache à la fantasy en la dépassant, à l’instar de celle de Tolkien : Mervyn Peake (cycle de Gormenghast) et Michael Ende.
La fantasy a ensuite essaimé par-delà les pays anglo-saxons, notamment en France où une école s’est développée avec le lancement des éditions Mnémos et des auteurs comme David Calvo, Fabrice Colin, Laurent Kloetzer, Matthieu Gaborit, Johan Heliot, Pierre Pevel, Jean-Louis Fetjaine, Catherine Dufour, Ange et Xavier Mauméjean.

La fantasy pour la jeunesse

Le cas de la fantasy jeunesse est particulier. D’abord parce que trois des précurseurs de la fantasy anglaise sont des écrivains pour la jeunesse ou considérés comme tels : Lewis Carroll (Alice au pays de merveilles), James Barrie (Peter Pan) et Kenneth Grahame (Le Vent dans les saules).
Dans les pays anglo-saxons, et tout particulièrement en Angleterre, la fantasy jeunesse perdure depuis The Rose and the Ring de William Thackeray (1855, La Rose et l’anneau en français), The Water-Babies de Charles Kingsley (1863) ou Mopsa the fairy de Jean Ingelow (1869). Elle s’est poursuivie avec des auteurs comme F. Anstey, Edith Nesbit (The Phoenix and the Carpet, 1904, The Story of the Amulet, 1905) au début du XXe siècle, John Masefield, P.L. Travers et ses Mary Poppins (1934), C.S. Lewis et son cycle de Narnia débuté en 1950, J.R.R. Tolkien et Bilbo le Hobbit (1937), Mary Norton et ses Borrowers (1952), Philippa Pearce et Tom et le jardin de minuit (1958), Joan Aiken, Alan Garner dans les années 1960, Susan Cooper et son cycle arthurien The Dark is rising, Margery Sharp, Peter Dickinson, Diane Wynne Jones et Lynn Reid Banks (L’Indien du placard, 1980) en sont les chaînons les plus marquants. Pour les États-Unis, signalons Lloyd Alexander et ses Chroniques de Prydain, débutées en 1964, Carol Kendall, Katerine Paterson, Robin McKinley, Jane Yolen, sans oublier Hugh Lofting et son docteur Dolittle. Notons au passage que dans ces deux pays, les deux grands prix annuels attribués à la littérature jeunesse, la Carnegie Medal20Récompense britannique créée en 1936. et la Newbery Medal21Prix littéraire américain décerné depuis 1922., ont souvent couronné des ouvrages de fantasy.
À la fin des années 1990, deux cycles ont bouleversé la donne : Harry Potter de J.K. Rowling et À la croisée des mondes de Philip Pullman. Leur succès a été tel qu’il a entraîné une véritable vague d’ouvrages de fantasy pour la jeunesse, de qualité remarquable la plupart du temps. Citons Jonathan Stroud et la trilogie de Bartiméus, Eoin Colfer et Artemis Fowl, Jennie Nimmo et son Charlie Bone, Neil Gaiman et ses réécritures de Lewis Carroll (Coraline) et du Livre de la jungle (L’Étrange vie de Nobody Owens), Chris Wooding (Qui veut tuer Alaizabel Cray ?), Clive Barker (Abarat).
Cet effet « Potter-Pullman » s’est fait sentir en France avec l’émergence d’auteurs comme Pierre Bottero, Erik L’homme, Hervé Jubert, Fabien Clavel ou Timothée de Fombelle, et de manière plus significative encore en Allemagne avec Cornelia Funke (la trilogie d’encre, Le Cavalier du dragonReckless) ou Kai Meyer (Histoire de Merle).
L’effet « Potter-Pullman » a été abondamment relayé par le cinéma en profitant des nouvelles technologies d’effets spéciaux offertes par le numérique. On a assisté ces dernières années à la production de nombreux films pour la jeunesse bénéficiant de budgets conséquents et puisant dans le fonds romanesque de la fantasy, en adaptant même un roman ancien d’Elizabeth Goudge avec succès (Le Secret de Moonacre).
Pour conclure, la fantasy jeunesse s’est montrée bien plus innovante, plus imaginative que la fantasy adulte souvent corsetée dans ses schèmes narratifs et thématiques. Elle a été et continue d’être, pour autant que je puisse en juger par les ouvrages de Brandon Sanderson (Alcatraz) ou d’Oisin McGann, d’une belle liberté d’invention. Il y a bien sûr des exceptions. C’est le cas par exemple d’Eragon de Christopher Paolini, régurgitation de ses lectures de Tolkien et d’Ann McCaffrey, fantasy épique sans la moindre once d’originalité, qui a pourtant obtenu un succès considérable. Mais j’ai l’impression que ce sont justement les romans de fantasy plus audacieux qui recueillent les suffrages de la jeunesse. Vieux slogan, l’« imagination au pouvoir » est une bannière que la littérature jeunesse peut brandir encore avec force.

Par Jacques Baudou, article paru initialement dans la revue Lecture Jeune n° 138 (juin 2011)

Quelques publications de Jacques Baudou

L’Encyclopédie de la fantasy, Fetjaine, 2009.

La Fantasy, « Que sais-je ? », PUF, 2005.

Fantastique, Fantasy, Science-fiction/Mondes imaginaires, étranges réalités, Autrement, Mutations, 2005.

La Science-fiction, « Que sais-je ? », PUF, 2003.

Merveilleux, Fantastique et Science-fiction à la télévision française, Huitième art, 1996.

Titres cités dans l’article

• Adams, Richard G., Watership Down, 1972 ; Les Garennes de Watership Down, Flammarion, 1976.

• Alexander, Llyod, Prydain, The Book of Tree, 1964 ; Le Livre des Trois, Livre de poche Jeunesse, 1985 ; The Black Cauldron, 1965 ; Le Chaudron noir, Livre de poche Jeunesse, 1985.

• Anthony, Piers, Xanth, plus de 30 tomes, 1977-en cours ; cycle de Xanth, 9 premiers tomes réédités chez Milady en 2009-2010.

• Banks, Lynne Read, The Indian in the Cupboard, 1980 ; L’Indien du placard, L’École des loisirs, 1989.

• Barker, Clive, Arabat, Albin Michel Jeunesse, 2002.

• Bradley, Marion Zimmer, The Mists of Avalon, 1982 ; traduit en 2 t., Les Dames du lac et Les Brumes d’Avalon, Pygmalion, 1986.

• Bradshaw, Gillian, Hawk of May, 1980 ; Le Faucon de Mai, Nestiveqnen, 2004 ; Kingdom of Summer, 1981 ; Le Trône de l’été, Nestiveqnen, 2006 ; In Winter’s Shadow, 1982.

• Brooks, Terry, The Sword of Shannara, 1977 ; L’Épée de Shannara, Bragelonne, 2002.

• Card, Orson Scott, The Tales of Alvin Maker, 1987-2003 ; Les Chroniques d’Alvin le faiseur, L’Atalante, 1991-2004.

• Carroll, Jonathan, The Land of Laughs, 1980 ; Le Pays du fou rire, J’ai lu, 1988.

• Carroll, Lewis, Alice in Wonderland, 1865 ; Les Aventures d’Alice au Pays des Merveilles, Librairie Hachette, 1908.

• Colfer, Eoin, Artemis Fowl, 7 t., 2001-2010 ; Gallimard Jeunesse, 2001-2011.

• Cooper, Susan M., The Dark is rising, 1973 ; L’Enfant contre la nuit, Robert Laffont, 1978.

• Crowley, John, Little, Big, 2 t., 1981 ; Le Parlement des fées, Rivages, 1994-1995.

• Donaldson, Stephen R., The Chronicles of Thomas Covenant, the Unbeliever, 1977- en ours ; Les Chroniques de Thomas Covenant, 3 cycles, Le Pré aux clercs.

• Ende, Michael, Die Unendliche Geschichte, 1979 ; L’Histoire sans fin, France loisirs, 1984.

• Fforde, Jasper, Thursday next, 6 t., 2001-2011 ; Fleuve Noir, 2004, puis 10/18, 2005.

• Funke, Cornelia, Drachenreiter, 1997 ; Le Cavalier du dragon, Hachette Jeunesse, 2005 ; Tintenherz, 2003 ; Coeur d’encre, Hachette Jeunesse, 2004 ; Tintenblut, 2005 ; Mort d’encre, Gallimard Jeunesse, 2010 ; Reckless, Gallimard Jeunesse, 2010.

• Gaiman, Neil, Neverwhere, 1996 ; J’ai lu, 1998 ; Stardust, 1999 ; J’ai lu, 2003 ; American Gods, 2001 ; Au Diable Vauvert, 2002 ; Coraline, Albin Michel Jeunesse, 2002 ; The Graveyard Book, 2008 ; L’Etrange Vie de Nobody Owens, Albin Michel Jeunesse, 2009.

• Gemmel, David, Lion of Macedon, 1990 ; Le Lion de Macédoine, Mnémos, 2000 ; Dark Prince, 1991 ; Le Prince noir, Mnémos, 2000.

• Goldstein, Lisa, Strange Devices of the Sun and the Moon, 1993 ; Les Jeux étranges du soleil et de la lune, Rivages, 1995.

• Goudge, Elizabeth, The Little White Horse, 1946.

• Grahame, Kenneth, The Wind in the Willow, 1908 ; Le Vent dans les saules, Armand Colin, 1935.

• Guin (Le), Ursula K., Earthsea, 1964-2001 ; Cycle de Terremer, 1977-2005.

• Hobb, Robin, The Farseer/The Tawny Man, 13 t., 1995-2003 ; L’Assassin royal, Pygmalion, 1998-2006 ; The Liveship Traders Trilogy, 1998-2000 ; Les Aventuriers de la mer, 9 t., Pygmalion, 2001-2007.

• Holdstock, Robert, Mythago Wood, 4 t., 1981 ; La Forêt des Mythagos The Merlin Codex, 3 t., 2001-2002 ; Codex Merlin, Le Pré aux clercs, 2003-2007.

• Horwood, William, Duncton Wood, 1980 ; Le Bois Duncton, L’Atalante, 1997.

• Hughart, Barry, Master Li, 3 t., 1984-1991 ; Master Li, Denoël, 2000-2001.

• Kilworth, Garry, Hunter’s Moon, 1989 ; Midnight’s Sun, 1990 ; Frost Dancers : A Story of Hares, 1992.

• Lawhead, Stephen, Cycle de Pendragon, 5 t., 1987-1997 ; Buchet-Chastel, 1997-1999.

• Leiber, Fritz, Le Cycle des épées, 1970-1988, 1982-1991 pour la traduction française. Ce cycle comprend un roman et six recueils de nouvelles.

• Lewis, C. S., The Chronicles of Narnia, 1950-1957 ; Les Chroniques de Narnia, Gallimard Jeunesse, 2003.

• Lindholm, Megan, Wizard of the Pigeons, 1986 ; Le Dernier Magicien, Mnémos, 2003.

• Lynch, Scott, cycle des Salauds gentilhommes, 2006-2007 ; Bragelonne, 2007-2008.

• McKenzie, Nancy, The Child Queen, 1994, The High Queen, 1995 ; Guenièvre, l’enfant reine et Guenièvre, la reine de Bretagne, Le Pré aux clercs, 2002.

• Meyer, Kay, L’Histoire de Merle, 3 t., Die Fließende Königin, t. 1, 2005 ; La Reine des eaux, Editions du Rocher Jeunesse, 2005.

• Nesbit, Edith, The Story of the Amulet, 1905 ; Le Secret de l’amulette, Gallimard Jeunesse, 1997.

• Nimmo, Jenny, série Children of the Red King, 2002-2009, Midnight for Charlie Bone, t. 1 ; Minuit sonne pour Charlie Bone, M6 éditions, 2003.

• Norton, Mary, The Borrowers, 1952-1961, Les Chapardeurs, 1979-1984.

• Paolini, Christopher, Eragon, 2003 ; Bayard Jeunesse, 2004.

• Peake, Mervyn, Gormenghast, 1950 ; Stock, 1974.

• Pearce, Philippa, Tom’s Midnight Garden, 1958 ; Tom et le jardin de minuit, Nathan, 1969.

• Pratchett, Terry, Discworld, 1983-2010, 37 t. ; Les Annales du Disque-Monde, L’Atalante, 1993-2011.

• Pullman, Philip, His Dark Materials, 4 t., 1995-2000 ; À la croisée des mondes, Gallimard Jeunesse, 1998, intégrale parue en 2007.

• Roberson, Jennifer, Shapechangers, 1984 ; Les Métamorphes, Pocket, 1996.

• Rowling, J. K., Harry Potter, 7 t., 1997-2007 ; Gallimard Jeunesse, 1998-2007.

• Russell, Sean, The Initiate Brother, 1991 ; Le Frère initié, L’Atalante, 2004 ; Gathered of Clouds, 1992 ; Le Berger des nuages, L’Atalante, 2005.

• Sanderson, Brandon, Alcatraz, 3 t., 2007-2009 ; Mango Jeunesse, 2010-2011.

• Snyder, Midori, The Innamorati, 1998 ; Les Innamorati, Payot & Rivages, 2001.

• Stroud, Jonathan, The Bartimaeus Trilogy, 3 t., 2003-2005 ; La Trilogie de Bartiméus, Albin Michel Jeunesse, 2003.

• Stuart, Mary, The Crystal Cave, 1970 ; La Grotte de cristal, Calmann-Lévy, 2005 ; The Hollow Hills, 1973 ; Les Collines aux mille grottes, Calmann-Lévy, 2006 ; The Last Enchantment, 1979 ; Le Dernier Enchantement, Calmann-Lévy, 2007.

• Sumner, Mark, Devil’s Tower, 1996 ; La Tour du diable, L’Atalante, 1998 ; Devil’s

Engine, 1996 ; Le Train du diable, L’Atalante, 2000.

• Swann, Thomas Burnett, The Forest of forever, 1971 ; La Forêt du minotaure, Opta, 1973 ; Cry Silver Bells, 1977 ; Le Labyrinthe du minotaure, Le Bélial’, 1998.

• Thackeray, William M., The Rose and the Ring, 1855 ; La Rose et l’anneau, éditions du Messager, 1947.

• Tolkien, J.R.R., The Hobbit, 1937 ; Bilbo le Hobbit, Stock, 1969 ; The Lord of the Rings, Allen & Unwin, 1954-1955 ; Le Seigneur des anneaux, Christian Bourgois, 1972.

• Travers, Pamela Lyndon, Mary Poppins, 1934 ; Desclée De Brouwer, 1937.

• Weis, Margaret B., Hickman, Tracy, Rose of the Prophet, trilogie, 1988-1989 ; La Rose du prophète, Pocket S-F, 1994.

• Wells, Martha, The Death of the Necromancer, 1998 ; La Mort du nécromant, L’Atalante, 2001 ; The Element of Fire, 1993 ; Le Feu primordial, L’Atalante, 2002.

• Williams, Tad, Tailchaser’s Song, 1985 ; La Légende du noble chat Piste-Fouet, Flammarion, 1987.• Wooding, Chris, The Haunting of Alaizabel Cray, 2001 ; Qui veut tuer Alaizabel Cray ?, Gallimard Jeunesse, 2003 ; The Braided Path, 2003-2005 ; La Croisée des chemins, Fleuve noir, 2005-2008.

Jacques Baudou

a été critique des littératures de l’imaginaire au Monde des Livres pendant près de 20 ans. Il est aujourd’hui directeur de collection (« Chambres noires » chez Mango) et Vice-Président du jury du Prix Imaginales. En plus de ses ouvrages sur la fantasy, Jacques Baudou a publié nombre d’articles, études de référence, sur la science-fiction, le roman policier, la télévision ou la radio. Il a également créé le festival du roman et du film policiers de Reims, et cofondé les Rencontres européennes, puis internationales, de télévision de Reims.

Références

  • 1
    Au format livre de poche.
  • 2
    Ace Books est la plus ancienne maison d’édition de science-fiction et de fantasy encore en activité. Elle a été créée à New York en 1952.
  • 3
    Ballantine Books est une maison d’édition américaine, spécialisée dans les formats paperback, fondée en 1952 par Ian Ballantine et rachetée par Random House en 1973.
  • 4
    Grand format avec une couverture rigide.
  • 5
    Karen Haber, Méditations sur la Terre du Milieu, Bragelonne, 2003. Dans ce recueil, vingt et un auteurs à succès (anglais, américains mais aussi français) de la fantasy actuelle partagent avec le lecteur la relation toute personnelle qu’ils entretiennent avec les mythologies de Tolkien.
  • 6
    Les pulps, abréviation de « pulp magazines », sont des magazines populaires américains édités dans les années 1930 et 1940, dont le papier, grossier, était fait de pulpe de bois, d’où leur nom. Lancé en mars 1923, Weird Tales est un pulp américain consacré à l’horreur, au fantastique et à la fantasy. Plusieurs des écrivains vedettes de cette revue écrivirent de la fantasy.
  • 7
    dans l’une de ces anthologies figure une nouvelle d’Anatole France dont Jacques Baudou n’a pas trouvé la parution originelle.
  • 8
    Les Mabigonion sont des récits médiévaux écrits en gallois. Beowulf est un poème épique moyenâgeux en vieil anglais.
  • 9
    Le magazine Unknown (ou Unknown Worlds), pulp dirigé par John Campbell Jr., joua un rôle important dans le développement de la fantasy au début des années 1940.
  • 10
    L’Épée dans la pierre, 1938, adapté au cinéma en 1963 par Walt Disney sous le titre français de Merlin l’enchanteur.
  • 11
    Marshall B. Thymm, Kenneth J. Zahorski et Robert H. Boyer, Fantasy Literature. A Core Collection and Reference Guide, R. R. Bowker, 1979.
  • 12
    D’après les travaux du folkloriste finlandais Antti Aarne, complétés par ceux de Stith Thompson, qui aboutissent à la parution, en 1928, de The Type of the Folktale, catalogue systématique international de tous les contes populaires du monde. Cette classification distingue quatre grands types de contes populaires : les contes proprement dits, les contes facétieux, les randonnées, les contes d’animaux.
  • 13
    J.R.R. Tolkien, « On Fairy Stories » (« Du conte de fées »), conférence du 8 mars 1939 publiée pour la première fois en 1947.
  • 14
    Barry Hughart, Les Aventures de Maître Li, cycle de trois romans (1984-1990) qui a pour décor la Chine ancienne ; Chris Wooding, trilogie La Croisée des chemins (2003-2005) ; Sean Russell, Le Frère initié (1991) et Le Berger des nuages (1992).
  • 15
    Traduction de Jacques Baudou.
  • 16
    Thomas Burnett Swann, La Forêt du minotaure (1971) et Le Labyrinthe du minotaure (1977) ; David Gemmel, Le Lion de Macédoine (1990) et Le Prince noir (1991).
  • 17
    Michael Moorcock, cycle d’Elric (1961-1991).
  • 18
    Corum et Hawkmoon sont les héros de cycles homonymes de Michael Moorcock. Le cycle de Corum (1971-1974) comprend 6 tomes, la Légende de Hawkmoon (1967-1975) en comprend 7.
  • 19
    Jasper Fforde, Thursday Next, 2001-2011, 6 tomes, Fleuve noir, 2004, puis 10/18, 2005.
  • 20
    Récompense britannique créée en 1936.
  • 21
    Prix littéraire américain décerné depuis 1922.