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Les ados et le porno : vers une « Génération YouPorn » ?

L’industrie pornographique s’est vite emparée d’internet. Au point que l’adage « the Internet is for porn » (« internet n’existe que pour le porno ») est devenu l’hymne non-officiel du web1D’après l’Urban Dictionary, qui recense des termes anglophones d’argot ou appartenant au vocabulaire d’internet (www.urbandictionary.com).. Elle touche ainsi de plus en plus facilement les jeunes. Pour autant, la pornographie a-t-elle une influence réelle sur les pratiques des adolescents ? Pour le savoir, l’Ifop a interrogé plus de 1000 jeunes Français pour l’OPEN (Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique) en mars 20172Enquête « Les adolescents et le porno : vers une ‟Génération YouPorn” ? ». Les citations et les chiffres de ce focus sont tirés de cette enquête ou de son annexe (www.urlz.fr/5hbO). Les graphiques ont été fournis par l’OPEN : www.open-asso.org.

Une pornographie de plus en plus consommée et dématérialisée

Les résultats de l’enquête montrent clairement que la pornographie a gagné du terrain chez les 15-17 ans ces dernières années. En 2017, « 63 % des garçons et 37 % des filles de 15 à 17 ans ont déjà au moins une fois surfé sur un site pour y voir des films pornographiques », contre 53 % et 18 % en 2013. La hausse est donc nette, mais « la fréquentation des sites X reste une pratique très genrée » : si on constate une très forte augmentation du côté des femmes (+19 points en 4 ans), celles-ci rattrapent peut à peu les hommes mais sont encore loin des chiffres de la population masculine.

La quasi-totalité de ces contenus est consultée via des sites gratuits (« 96 %, contre 78 % chez l’ensemble des Français ») : on constate ici l’influence de plateformes gratuites de streaming comme YouPorn (le YouTube de la pornographie lancé en 2006), mais aussi Pornhub, Tube8 ou RedTube. La première consultation a lieu en moyenne à 14 ans et 5 mois, mais « les ados considèrent eux-mêmes que cette première expérience était prématurée ». En effet, 55 % d’entre eux estiment qu’ils étaient « trop jeunes » la première fois qu’ils ont visionné un contenu pornographique.

L’influence de la pornographie sur la sexualité des adolescents

D’après François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualité de l’Ifop, « si la pornographie constitue avant tout un support masturbatoire (notamment pour les garçons), elle apparaît aussi pour les deux sexes comme une source d’apprentissage des pratiques sexuelles et des techniques du corps qui favorise l’intégration des codes et des scénographies de la pornographie dans le répertoire sexuel des ados » – une tendance « plus régulière chez la gent masculine (22 %) que féminine (16 %), en particulier chez les garçons affirmant une part d’homosexualité (50 %) ». Les pratiques sexuelles mises en avant dans l’industrie pornographique sont donc assimilées par de nombreux jeunes : « [p]rès d’un ado sur deux (44 %) a tenté de reproduire des scènes vues dans des films pornographiques, soit une proportion assez proche des adultes (47 %). Toutefois, les ados reproduisent plus régulièrement des pratiques vues dans des vidéos X : 20 % s’y sont adonnés « plusieurs fois », soit deux fois plus que dans la population adulte (11 %) ».

Cette influence est souvent vécue de manière consciente, puisque 45 % des jeunes ayant déjà visionné des vidéos pornographiques affirment qu’elles ont « participé à l’apprentissage de [leur] sexualité », que cet impact soit considéré comme positif ou négatif. En effet, parmi ces 45 % d’adolescents, 15 % de garçons et 12 % de filles pensent que la pornographie a influencé leur sexualité « plutôt de façon positive », tandis que 12 % de garçons et 18 % de filles ont répondu « plutôt de façon négative ». Les rapports de domination de l’homme sur la femme souvent représentés dans les films X ne sont sans doute pas étrangers à ce décalage entre les réponses masculines et féminines.
Toutefois, il serait hâtif de conclure de ces statistiques que la plupart des adolescents font désormais entrer la pornographie dans leur lit : rappelons que 63 % des filles et 37 % des garçons de 15 à 17 ans n’ont jamais surfé sur un site pornographique

PAR CHRISTELLE GOMBERT, RÉDACTRICE EN CHEF
FOCUS PARU INITIALEMENT DANS LE N°162 DE LECTURE JEUNE, LA ROMANCE DÉCOMPLEXÉE, ÉTÉ 2016

Références

  • 1
    D’après l’Urban Dictionary, qui recense des termes anglophones d’argot ou appartenant au vocabulaire d’internet (www.urbandictionary.com).
  • 2
    Enquête « Les adolescents et le porno : vers une ‟Génération YouPorn” ? ». Les citations et les chiffres de ce focus sont tirés de cette enquête ou de son annexe (www.urlz.fr/5hbO). Les graphiques ont été fournis par l’OPEN : www.open-asso.org