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Les enjeux de l'éducation aux médias

En 2007, Lecture Jeune consacrait un dossier au rapport des adolescents à la presse écrite. Evelyne Bevort, directrice du Clemi, revenait alors sur les enjeux de l’éducation aux médias.

L’éducation aux médias peut être définie comme la possibilité de connaître, d’évaluer et d’apprécier les différents types de médias auxquels nous sommes confrontés et qui font partie intégrante de notre culture contemporaine. Les adolescents sont doublement concernés par cet apprentissage : la pratique des médias constitue l’un des piliers de leurs activités culturelles, mais ils n’en explorent qu’un faible pan par méconnaissance. L’éducation aux médias doit leur permettre à la fois de penser leurs pratiques installées et d’en découvrir de nouvelles. Les adolescents ne lisent la presse écrite que sur certains segments. Elle est pourtant indispensable à leur future vie de citoyen car les médias sont porteurs d’informations mais aussi de valeurs.

C’est par la presse que l’on voit s’exprimer le pluralisme des idées et des positionnements au quotidien. Elle nous renvoie les reflets d’une société composée de personnes d’âges variés, impliquées dans la vie sociale à des niveaux différents, curieuses de sports ou de politique internationale… Les journaux dans la variété de leurs rubriques nourrissent tous ces intérêts et les font partager à ceux qui en sont éloignés. Ainsi, l’éducation aux médias se propose de faire découvrir aux jeunes d’autres questionnements, d’autres modes de pensée. La presse écrite est de tous les médias celui qui véhicule le mieux le pluralisme des idées et le flambeau de la liberté d’expression. Elle participe à l’apprentissage de la démocratie.

Par ailleurs le travail sur la presse permet, au sein d’une éducation aux médias envisagée globalement, de mettre en lumière leur complémentarité. Il permet également de prendre conscience du rôle spécifique de la presse comme lieu centré sur l’analyse, la mise en perspective et l’approfondissement des sujets traités, mais aussi comme média de proximité par excellence.

Le système éducatif français va connaître une remise en perspective sans équivalent avec l’entrée en vigueur du « socle commun des connaissances et des compétences ». Ce socle établit ce qui doit constituer le bagage minimum commun de tous les jeunes Français à l’issue de la classe de 3e. Au-delà des domaines plus classiques comme la langue maternelle, les sciences ou la culture humaniste sont désormais citées les compétences sociales et civiques, l’esprit d’initiative et l’autonomie.

L’éducation aux médias a sa juste place au sein de ces deux domaines. On ne peut que s’en réjouir. Depuis plus de vingt ans, le Clemi (Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information) s’efforce de convaincre, par l’exemple comme par la réflexion, l’ensemble des acteurs du système éducatif du bien-fondé de la démarche d’éducation aux médias et plus encore, de son caractère indispensable dans le contexte des bouleversements techniques et médiatiques de ce début de XXIe siècle. Reste à créer chez les jeunes concernés un vrai désir de découverte et d’ouverture sur cet environnement.

Des activités riches de sens

Le travail d’éducation aux médias pratiqué au sein de l’école repose sur cette activation du désir, lié à une meilleure connaissance de la presse écrite. Très vite, les éducateurs s’aperçoivent qu’indifférence et ignorance vont de pair. Beaucoup de jeunes ignorent tout de la presse en croyant la connaître. Il s’agit de la leur faire découvrir, pour les intégrer progressivement à leur environnement.

Le premier travail consiste à leur mettre en mains des journaux, pour comprendre comment ils sont conçus et organisés, en vue d’une lisibilité optimale de l’information. Cet exercice les aide à découvrir les rubriques, l’organisation des pages, la mise en forme des articles… Pratiquée avec un large panel de titres, cette activité leur permet de saisir la diversité de la presse et sa capacité à répondre à des attentes correspondant aux différentes facettes de la société, depuis la presse d’information jusqu’à la presse féminine en passant par la presse sportive. Ces travaux se font le plus souvent dans le cadre de l’enseignement du français, de l’histoire ou de l’éducation civique, mais les nouveaux dispositifs à l’œuvre dans le secondaire (IDD, TPE, ECJS…)1Itinéraires de découverte, travaux personnels encadrés, enseignement civique, juridique et social ouvrent des possibilités pour un travail plus transversal. La presse écrite est un formidable réservoir d’activités qui ont du sens pour la compréhension du monde : choix et hiérarchie des informations, place de la publicité, rôle de l’image…

Ces travaux permettent aussi d’appréhender le pluralisme de l’information et des titres. Cette dimension ne s’accepte vraiment qu’à l’adolescence, car il n’est pas aisé pour les plus jeunes d’imaginer que la vérité puisse être multiple. La réflexion sur le pluralisme des idées tel qu’il est proposé dans la presse est capitale pour ceux qui travaillent dans une optique d’apprentissage de la démocratie et la citoyenneté. Il s’agit là d’un axe fondamental du travail proposé par le Clemi. L’éducation aux médias doit permettre aux futurs citoyens d’acquérir le goût de l’information, d’en saisir la dimension fondamentale pour la vie démocratique, de la discuter et d’apprendre à s’informer en étant capable de déjouer certains pièges de la désinformation ou de la surinformation.

C’est pour faciliter toutes ces activités que le Clemi organise depuis bientôt 18 ans « la semaine de la presse et des médias dans l’école ». Le succès de cette opération hors du commun joint aux nouvelles dispositions du « socle commun de connaissances » devrait faire de la presse un objet moins lointain pour les jeunes et leur permettre d’en apprécier l’importance dans leurs choix médiatiques.

Par Evelyne Bevort, article paru dans la revue Lecture Jeune n° 121 (mars 2007)

Publications

  • Rapports pour le Conseil de l’Europe entre 1986 et 1990 :
    L’éducation aux médias à l’école primaire 
    L’éducation aux médias à l’école secondaire 
    Le partenariat entre l’école et les médias 
  • Nouvelles orientation de l’éducation aux médias, éditions de l’UNESCO, 1990 (co-auteur des actes d’un colloque organisé à Toulouse)
  • Evaluations des pratiques en éducation aux médias, leurs effets sur les enseignants et les élèves, Clemi, 1999 (co-auteur)
  • Les jeunes et internet, Clemi, 2001.
  • Mediappro, appropriation des nouveaux médias par les jeunes, tirage limité en anglais pour la Commission européenne, 2006.
  • Ces trois ouvrages sont en lignes sur le site www.clemi.fr
  • Apprendre la télé : le JT, Dvd-Rom coproduit par l’INA, les CEMEA et le Clemi, Jeriko/CEMEA, 2003 (copilote et co-auteur)
  • Télévision mode d’emploi, CNDP, 2003 (coordinatrice et co-auteur).

Evelyne Bevort 

Directrice déléguée du Clemi (Centre de liaison de ‘enseignement et des moyens d’information) après avoir enseigné les sciences économiques et sociales, Evelyne Bevort a participé à de nombreux projets de recherches concernant l’éducation aux médias et la relation des enfants et des jeunes aux médias en France et à l’international. Experte dans ce domaine pour l’UNESCO et la Commission européenne, elle est engagée dans de nombreuses actions autour de ces thématiques:formations, publications, élaboration d’outils pédagogiques appropriés.

Références

  • 1
    Itinéraires de découverte, travaux personnels encadrés, enseignement civique, juridique et social