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Du fan au lecteur : la venue de Veronica Roth en France (rencontre/dédicace à la Fnac Paris-Montparnasse le 15 avril 2016)

La trilogie Divergente figure dans le top des ventes de romans pour la jeunesse 1Meilleures ventes / Du 07 mars au 03 avril (classement exclusif GFK/Livres Hebdo) plusieurs mois après sa sortie. L’adaptation cinématographique du dernier épisode a fait salles combles en mars 2016 en France 2http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Box-office-francais-du-22-mars-Divergente-3-The-Revenant-et-Zootopie-toujours-en , témoignant d’un engouement toujours plus fort des adolescents et jeunes adultes pour cette dystopie post-apocalyptique. Véronica Roth est quant à elle particulièrement en phase avec son public : jeune femme souriante, elle est très active sur les réseaux sociaux, toujours à l’écoute des jeunes et se soumet de bon cœur aux demandes de selfies.

« La rencontre avec Veronica Roth était « extra-ordinaire » à plusieurs égards »

Extrait d’un entretien avec Anna Cortese

 

De l’écrivain qui rencontre ses lecteurs, à la personnalité qui reçoit son public d’admirateurs, il n’y a qu’un pas. L’important dispositif mis en place par la Fnac à l’occasion de la venue de Veronica Roth, au milieu d’une tournée européenne, laissait à penser que la frontière avait été franchie : bracelets distribués à 10h du matin pour obtenir une dédicace en fin d’après-midi, personnel de sécurité encadrant une table ronde – dont on peut saluer la gratuité et l’ouverture à tous, journalistes convoqués et couverture de l’événement par le site communautaire de l’éditeur français « Lire en Live 3Le tweeter : https://twitter.com/veronicaroth/ Le facebook : https://www.facebook.com/Veronica-Roth-108433975887375/ Le site : http://veronicarothbooks.com/ » (éditions Nathan). Tout cela laissait présager un moment marketé à la minute, dont on aurait pu craindre la superficialité ; un moment attendu toutefois avec patience et passion par les jeunes.

Anna Cortese, qui fait partie de l’équipe organisatrice à la Fnac, nous a livré quelques anecdotes témoignant de l’enthousiasme du public :

  

« Une jeune adolescente était présente devant le magasin dès six heures du matin, afin d’être sure d’avoir la meilleure place et d’avoir accès à la dédicace. Sa patience a d’ailleurs été récompensée par une grande affiche de l’évènement qui lui a été offerte par le magasin, en souvenir de ce moment si important pour elle. Plusieurs jeunes filles ont pleuré, trop émues au moment d’échanger quelques mots avec leur idole, et beaucoup avaient apporté des cadeaux. Veronica Roth était très accessible, ce sont donc de beaux souvenirs qui resteront certainement gravés dans la mémoire de ses fans pour longtemps. »

Les adultes, souvent réservés par rapport à la culture « fan », pourraient avoir tendance à plaisanter de ces comportements. Ils traduisent pourtant la profondeur de l’expérience qu’ont vécue les jeunes à la lecture de Divergente, ainsi qu’une réelle attente des échanges avec Veronica Roth. Au milieu de ce tourbillon événementiel, la littérature, l’écriture, la lecture ont conservé une place centrale. Traduite brillamment et en direct par son interprète Pascale Fougère, Veronica Roth, ainsi que sa traductrice en France Anne Delcourt, ont répondu l’espace d’une heure – trop brève – aux questions de Fred Ricou, qui animait le débat, et de quelques jeunes dans le public.

« Toutes les expériences que vous avez pénètrent à l’intérieur de vous, s’y enracinent et ressurgissent ensuite, sans que vous en soyez conscient 4Toutes les citations snt des rertanscriptions de l’interprétation française»

Véronica Roth a commencé à écrire à 11 ans de manière quotidienne, et a entamé la rédaction de Divergente à 18 ans – un modèle identificatoire évident, comme en ont témoigné plusieurs écrivains en herbe dans le public. L’auteur, elle-même grande lectrice, fustige : « Quand je lis un livre pour les jeunes adultes pas sincère, c’est parce que l’auteur regarde son adolescence avec regret et jugement. » Donnant pour exemple Lois Lowry, qui, plus âgé que ses personnages adolescents, les comprend pourtant, elle explique qu’il n’est pas non plus nécessaire d’avoir l’âge de ses héros pour raconter leur histoire.
Véronica Roth multiplie les références littéraires pendant l’entretien. Elle raconte ainsi comment la dystopie Le Passeur5L. Lowry, 1994, L’école des Loisirs, étudiée à l’école quand elle avait dix ans, fut l’une des influences majeures de ses romans. Elle inscrit la trilogie Divergente dans la lignée des dystopies modernes – comme Delirium de Lauren Oliver – et tente d’en définir les contours :
 

« Les dystopies classiques visaient à faire réfléchir, peut-être à faire peur d’une certaine manière. C’est comme ça que ces œuvres-là sont construites : prendre quelques éléments qui existent dans la société où vit l’auteur, puis les exagérer, les extrapoler, de manière à nourrir une fiction et un univers. Je crois que Divergente, comme un bon nombre de romans pour jeunes adultes aujourd’hui, ne vise pas à susciter une peur des lecteurs par rapport à ce qui pourrait advenir dans notre société. […]

Il y a une chose qui a beaucoup compté dans la conception de Divergente : quand j’étais jeune, j’étais absolument obsédée par l’idée d’arriver à me définir : j’avais fait énormément de tests psychologiques en ligne. Cette recherche de soi, l’envie de se définir de manière urgente et désespérée, c’est quelque chose qui nous réduit. Toutes ces interrogations sur la définition de soi et comment les autres vous perçoivent ont alimenté Divergente. »

Les dystopies modernes ne seraient donc plus des romans d’avertissements – comme pouvaient l’être les dystopies classiques – mais un genre propice à mettre en lumière et à exacerber les passions qui caractérisent l’adolescence.

« Aujourd’hui je lis des livres pour jeunes adultes parce que je les aime et les respecte. »

Véronica Roth lit quotidiennement et conseille aux aspirants écrivains d’en faire autant. Écrire suppose une forme de solitude, mais l’auteur s’inspire des nombreuses interactions qu’ont suscitées ses romans. Elle blâme toutefois certains médias qui enferment ses lecteurs (majoritairement lectrices) dans des cases 

« Une chose me fait réagir : très souvent, on parle des jeunes femmes dans les médias de manière irrespectueuse. Plus je rencontre mes lectrices, plus ces articles me mettent en colère. Même quand elles sont folles de mes livres – ou pourquoi pas des One Direction ! – ça ne veut pas dire que tout ce qu’elles pensent et tout ce qu’elles aiment est stupide ! Les gens sont complexes et ont les capacités de faire plein de choses différentes, dont des choses très profondes et empathiques. J’ai commencé naturellement à écrire pour les jeunes adultes et au fur et à mesure que je rencontre les gens qui me lisent, ils deviennent des sources d’inspiration. »


Véronica Roth nous rappelle ainsi de manière bienvenue que les expériences de lecture d’une personne peuvent être aussi riches que variées.
À l’instar de la société de Divergente, est-il pas parfois trop aisé de classer les lecteurs, comme on classerait des collections : entre culture savante et culture populaire, entre « lecteurs critiques » et « fans aveugles » ? Ne serait-ce pas limiter l’expérience de la lecture, que de bâtir des frontières invisibles entre les genres, selon qu’ils soient ou non légitimes ?

Ces questions ont aussi été abordées dans le colloque de Lecture Jeunesse sur « Pourquoi les adolescents liraient-ils encore aujourd’hui6Voir notamment le parallèle avec Divergente dans « En guise de conclusion… », LJ n°157, printemps 2016.  ? » et  dans celui sur Les Booktubers et les communautés de lecteurs 7LJ n°158, Juin 2016.

Par Morgane Vasta, animatrice et formatrice spécialisée en littérature de jeunesse, membre des comités de lecture de Lecture Jeunesse.
(Source  : Fnac)

Veronica Roth

Veronica Roth est auteur et vit à Chicago. Elle a étudié l’écriture créative à Northwestern University. Elle est principalement connue pour sa trilogie Divergente, dont le premier tome sorti en 2011 est son tout premier livre, qu’elle a écrit pendant ses études. Les deux premiers tomes sont sur la liste des Best Sellers du New York Times. La série a été adaptée au cinéma par Neil Burger, le dernier volet étant attendu pour 2017.

 Le premier tome de Divergente dans sa version originale
L’adaptation cinématographie de Divergente

Références