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Iris, 15 ans, et les applis de rencontres : « Je peux parler avec 30 personnes en une soirée »

Les sites de rencontres interdits aux adultes sont légion : Rencontre-ados, Teexto ou encore Nodarons sont réservés aux moins de 20 ou 25 ans. Mais les adolescents préfèrent-ils réellement ces plateformes, censées offrir plus de sécurité et de protection, aux applications moins surveillées, fréquentées par les adultes ? Quels usages en font-ils ? Iris1Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié.), 15 ans, a accepté de répondre à nos questions.

Christelle Gombert : Quels sites ou applications de rencontres as-tu déjà utilisés ?

Iris : Je me suis déjà inscrite sur le site Lovoo. C’est une amie qui m’y avait incitée, mais je n’y suis restée qu’une semaine. On avait choisi ce site car son interface est plus jolie que celle d’autres plateformes comme Nodarons ou Rencontre-ados, et parce qu’elle propose plus de fonctionnalités, par exemple le balayage de profil2Sur la célèbre application Tinder, les photographies des utilisateurs défilent : on les balaye vers la gauche pour passer à la suivante, vers la droite pour envoyer une demande de mise en relation. comme sur Tinder ou la recherche par centres d’intérêt. J’utilise aussi l’application Yax pour m’amuser, mais ce n’est pas vraiment une application de rencontres : elle permet seulement de discuter anonymement avec d’autres personnes.

CG : Est-ce que toi ou tes amis utilisez des applications de rencontres pour adultes, comme Tinder ou Happn ?

I : Ce n’est pas mon cas ni celui de mes amis, je pense, tout simplement parce qu’on n’y rencontre que très peu de gens de notre âge. Même si Lovoo et Yax ne sont pas réservés aux ados, leur communication cible précisément cette tranche d’âge, donc beaucoup de jeunes les utilisent.

Mais je n’ai jamais cherché à y trouver l’amour : c’était juste un moyen de passer le temps en parlant à d’autres ados

CG : Quel âge avais-tu et que recherchais-tu quand tu t’es inscrite sur Lovoo ?

I : J’avais 14 ans et je me suis surtout inscrite par curiosité, parce que mon amie m’y avait poussée. Je voulais savoir comment c’était, comprendre pourquoi elle y passait du temps, mais je n’ai jamais cherché à y trouver l’amour : c’était juste un moyen de passer le temps en parlant à d’autres ados.

CG : Quel genre d’échanges as-tu eus sur Lovoo ou sur Yax ?

I : J’ai discuté par messages privés avec quelques personnes sur Lovoo, mais ça ne me plaisait pas trop car les garçons ne viennent vers les filles que pour leur apparence. Alors que sur Yax, je peux parler avec une trentaine de personne en une soirée, et j’ai parfois des conversations très intéressantes ou drôles.

CG : Tu dis que l’apparence compte beaucoup sur Lovoo. Cela signifie-t-il que chaque profil d’utilisateur est obligatoirement accompagné d’une photographie ?

I : Pour pouvoir s’inscrire, il faut poster une photo de profil qui sera validée par des modérateurs, pour des raisons de sécurité : ils vérifient qu’il s’agit bien d’un portrait et que celui-ci ne se trouve pas déjà ailleurs sur le web. Sinon, ça voudrait dire que la photographie a été trouvée sur internet et qu’elle appartient à quelqu’un d’autre. Bien sûr, il est toujours possible de contourner le système, mais la majorité des faux comptes sont filtrés de cette manière. Pour compléter le mien, j’ai montré quelques photos de moi, renseigné mon âge et mes loisirs. Mais je n’ai jamais donné mon numéro de téléphone ni l’accès à mon profil sur d’autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat…) : ces éléments font partie de ma vie privée.

Elle n’a pas dit à ses parents qu’elle l’avait d’abord connu sur internet : ça pourrait leur faire peur

CG : Quels renseignements apparaissaient sur les profils des autres adolescents ?

I : J’ai l’impression que chaque utilisateur a sa propre définition de ce qui est privé ou non. Je sais par exemple que beaucoup de personnes envoient des photos assez « suggestives »… Malheureusement, il faut faire très attention quand quelqu’un entame une discussion, parce qu’une grande partie des inscrits ne cherche qu’à obtenir des contacts sur Snapchat3L’application Snapchat permet d’envoyer des photos qui disparaissent après quelques secondes. pour échanger des nudes – c’est-à-dire des photos de soi nu.

CG : As-tu déjà rencontré une personne physiquement après lui avoir parlé en ligne ?

I : Jamais. Je pense que c’est le cas de la majorité des inscrits. À mon avis, on sait tous qu’on ne trouvera sans doute pas l’amour sur un tel site. On s’y rend plutôt pour ne pas se sentir seul : en faisant des nouvelles rencontres, on se sent plus apprécié et plus écouté que lors d’une simple discussion entre amis, et il est parfois plus facile de se confier à des inconnus.
Le cas de la fille qui m’avait poussée à m’inscrire sur Lovoo est marginal : elle a rencontré un garçon avec lequel elle discutait beaucoup par messagerie privée, et ils sont maintenant en couple depuis un an. Mais elle n’a pas dit à ses parents qu’elle l’avait d’abord connu sur internet : ça pourrait leur faire peur.

PROPOS RECUEILLIS ET MIS EN FORME PAR CHRISTELLE GOMBERT
ENTRETIEN PARU INITIALEMENT DANS LE N°162 DE LECTURE JEUNE, LA ROMANCE DÉCOMPLEXÉE, ÉTÉ 2016

Références

  • 1
    Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié.)
  • 2
    Sur la célèbre application Tinder, les photographies des utilisateurs défilent : on les balaye vers la gauche pour passer à la suivante, vers la droite pour envoyer une demande de mise en relation.
  • 3
    L’application Snapchat permet d’envoyer des photos qui disparaissent après quelques secondes.